La récente crise mondiale a profondément influencé mon imaginaire et modifié l'organisation de mes compositions. Le fondement, en revanche, n'a pas changé. le bois demeure ma matière de prédilection. Je l'affectionne parce qu'il m'inspire la beauté et la résilience. Sa noblesse dégage à la fois la fragilité et la force de la vie, deux aspects contradictoires qui amplifient mon propos.
Avant la pandémie, mon matériau de base était le bois manufacturé vendu en planche. Je le travaillais en utilisant les techniques de cintrage, de tournage et de taille directe. je suivais une idée, un gabarit précis et un savoir-faire traditionnel.
Les ruptures de stocks du bois d'oeuvre m'ont obligée à me réinventer. J'ai saisi cette occasion pour sculpter le billot de bois brut, directement, sans maquette. Ce sont les broussins (ou les loupes) qui m'ont séduite. Celles-ci apparaissent à la suite de défauts de circulation de la sève, ce qui produit des millions de fibres enchevêtrées dans l'arbre. Cette anarchie en fait un facteur d'imprévisibilité constant.
Endormie à l'intérieur, une forme se dévoile, s'élabore patiemment et se laisse percevoir.
Pour moi, s'installe alors un contexte méditatif. Geste par geste, je découvre ses cicatrices, ses distorsions. Elles possèdent une grande force et elles sont les vecteurs d'expression de ma sensibilité et de ma vulnérabilité. C'est une relation de bienveillance envers la matière, ressentir ses possibilités tout en respectant ses limites.
Les thèmes organiques, le rapport entre l'intérieur et l'extérieur, les formes simples, incurvées, abstraites et sensuelles composent l'esthétique féminine de mes oeuvres. les lignes courbes et souples m'aident à insuffler un déploiement élégant à mes sculptures, une appropriation naturelle décontractée de l'espace qui les accueille.